Gorgui Wade Ndoye,
journaliste accrédité aux Nations-Unies, à Genève: «Rendre justice à l’Afrique
c’est parler d’elle avec toutes ses complexités ».
Révolté à plusieurs reprises contre l’injustice, le racisme ambiant, le
discours nihiliste sur l’Afrique, Gorgui Wade Ndoye est l’un des rares
sénégalais qui s’est imposé sur la scène internationale mettant en valeur sa
sénégalité et son africanité. Par ses paroles et ses actions il espère assumer
sa mission qui est celle de rendre justice à l’Afrique.
Au cours d’une interview qu’il a accordée aux étudiants d’Ejicom (Ecole
Supérieure de Journalisme des Métiers de l’Internet et de la Communication), le
Directeur de ContinentPremier.Com et Observateur de l'utilisation de la langue
française auprès de l'ONU et des organisations internationales basées à Genève,
interpelle tous ses confrères sénégalais sur les sujets qui construisent le
devenir de l’Afrique au lieu de parler des futilités.
Quel a été votre
parcours en tant que correspondant à Genève au niveau des Nations Unies ?
Je suis arrivé à Genève, tout d’abord pour terminer mes études. Pour le
passage du siècle en 2000, Genève avait invité un artiste planétaire, Youssou
NDour, au sujet duquel j’ai fait un reportage. Les articles sont publiés par «Sud Quotidien », dont je suis devenu le correspondant permanent. J’ai rejoint le quotidien national, Le Soleil, l’Agence de Presse, Le Matin du
Sénégal, et la radio anglaise, BBC-Afrique. Actuellement, je travaille pour
Walfadjri. Je suis le premier journaliste sénégalais, correspondant de presse
aux Nations Unies. J’anime enfin, depuis six ans un séminaire, « l’Image de
l’Afrique dans la presse en Occident – le cas de la Suisse » au centre romand
de formation des journalistes suisses (CRFJ), à Lausanne.
Pourquoi avez-vous
choisi de parler de l’image de l’Afrique dans la presse en Occident,
précisément en Suisse ?
Parce que les gens ont envie d’entendre un discours vrai sur l’Afrique, en
tout cas ce que nous considérons comme juste. Rendre justice à l’Afrique c’est
parler d’elle avec toutes ses complexités. Certes il y a eu des guerres en
Afrique et encore des crises, mais, l’Afrique c’est aussi une jeunesse
dynamique, le tiers des richesses mondiales, le berceau de l'Humanité etc. Si
nous prenons l’exemple d’Ejicom, ce sont des jeunes qui sont entrain de poser
la question sur l'âme africaine, sur l’intelligence et surtout sur les sujets
liés à la construction de notre devenir. Je ne le dis pas pour vous jeter des
fleurs.
Est-ce que les Suisses
sont au courant de votre engagement en faveur de la défense de l’image de
l’Afrique ?
Bien sûr, il y a des personnes qui sont très bien au courant de ce je fais.
Je n’avais pas voulu vous montrer l’article qui a été écrit à Genève par Pascal
Décaillet un grand journaliste de la Suisse romande. J’étais surpris de lire
cet article parce qu’il a fait « un coup de cœur » sur mon travail en tant que
journaliste. Il m’a aussi donné en exemple, non pas uniquement pour l’Afrique,
mais pour le journalisme de manière générale.
Les gens ignorent parfois la raison pour laquelle tu te bats. Si j’avais voulu être ministre dans ce pays je l’aurais été depuis très longtemps. Mais ce qui m’a toujours intéressé c’est le peu de travail que je fais. Je n’attends pas à ce que les journalistes sénégalais fassent des articles sur moi parce que malheureusement on manque parfois un peu de générosité entre nous (journalistes Ndlr). On préfère le passage d’un journaliste français, lui donner la parole. En général, ces journalistes insultent l'Afrique, et nous journalistes africains, sans aucun recul, nous sommes contents de mettre leurs dires à la Une de nos journaux. C'est peut être plus difficile de parler de quelqu’un qui s’est battu non seulement pour le Sénégal mais aussi pour l’Afrique !
Mais cela je ne le revendique pas car c’est notre devoir. Ce que je fais je dois le faire et les autres aussi doivent le faire. Je pense à une mission à accomplir et pour paraphraser Fanon « soit on assume soit on trahit sa mission ». J’espère assumer ma mission jusqu’à la fin de ma vie et c’est ce que j’ai dit devant la Salle de l’Assemblée des Nations Unies le 20 mars, Journée mondiale de la Francophonie en y invitant notre compatriote Ismaël Lô qui a donné un concert historique, car je crois profondément à l’humain.
Les gens ignorent parfois la raison pour laquelle tu te bats. Si j’avais voulu être ministre dans ce pays je l’aurais été depuis très longtemps. Mais ce qui m’a toujours intéressé c’est le peu de travail que je fais. Je n’attends pas à ce que les journalistes sénégalais fassent des articles sur moi parce que malheureusement on manque parfois un peu de générosité entre nous (journalistes Ndlr). On préfère le passage d’un journaliste français, lui donner la parole. En général, ces journalistes insultent l'Afrique, et nous journalistes africains, sans aucun recul, nous sommes contents de mettre leurs dires à la Une de nos journaux. C'est peut être plus difficile de parler de quelqu’un qui s’est battu non seulement pour le Sénégal mais aussi pour l’Afrique !
Mais cela je ne le revendique pas car c’est notre devoir. Ce que je fais je dois le faire et les autres aussi doivent le faire. Je pense à une mission à accomplir et pour paraphraser Fanon « soit on assume soit on trahit sa mission ». J’espère assumer ma mission jusqu’à la fin de ma vie et c’est ce que j’ai dit devant la Salle de l’Assemblée des Nations Unies le 20 mars, Journée mondiale de la Francophonie en y invitant notre compatriote Ismaël Lô qui a donné un concert historique, car je crois profondément à l’humain.
Est-ce que parfois
vous ne vous sentez pas seul dans votre combat ?
Parfois, pour être honnête, oui. Mais comme je vous ai dit tantôt on n’est
jamais seul quand sa conscience est tranquille. La mienne est tranquille parce
que l’Afrique a les atouts nécessaires pour aller de l’avant. Si aujourd’hui on
donne à des jeunes sénégalais les moyens de travailler, ils vous feront un
travail correct tout simplement. Il ne faut pas être complexé de rechercher le
savoir, on a besoin toujours d’apprendre comme disait le philosophe Solon : «
apprendre toujours apprendre, tels doivent être les propos d'un intellectuel
qui se respecte.»
Comment est perçue
l’image de l’Afrique aux Nations Unies de manière générale ?
Si l’on prend le Conseil de Sécurité, il y a les cinq permanents qui
décident de tout. Malheureusement l’Afrique n’y a pas de siège permanent n'y
est pas écoutée, cela est un défi à relever. Et un autre défi auquel, votre
génération est confrontée est celui de l’unité africaine. Sur ce point, les
intellectuels africains doivent se décomplexer par rapport à ce discours
ambiant du nihilisme disant que l’Afrique est à la dérive. Je rappelle que,
quand tous les continents avaient dérivé seule l’Afrique est restée intacte.
Mais aussi il faut accepter que nous avons des problèmes par rapport à
l’éducation de la jeunesse. Elle grandit très vite et elle a vite accès à
certaines informations mais est-ce qu’elle arrive à les maitriser, à les
analyser à les transformer et en faire un outil de souveraineté ? Si nous
sommes informés par l’extérieur nous perdons aussi notre souveraineté. Et pour
la gagner, pour gagner la bataille de l’économie, il nous faut aujourd’hui
cette unité et je pense que les journalistes doivent être les portes paroles de
nos populations. Donc, s’il vous plait, essayons de temps en temps de revenir
sur des sujets qui construisent notre devenir au lieu de parler chaque jour de
la lutte, de la danse, des faits divers. Il faut qu’on arrête de faire du
snobisme.
Selon vous, quels sont
les actes concrets que doivent poser les acteurs médiatiques pour mieux
valoriser l’image de l’Afrique surtout en occident où le discours africain est
falsifié ?
Un journaliste est d’abord un intellectuel qui doit être à l’écoute des
populations et si l’on ne comprend pas réellement les enjeux d’une société et
ses complexités, on ne peut pas parler au nom de cette même société. Mais
malheureusement on est allé trop vite on a oublié que l’on doit recréer le
journalisme.
Certes, le journalisme est universel, mais les faits sont différents d’un pays à un autre. Par exemple les réalités sociales sénégalaises sont différentes de celles de la France. La structure juridique, l'organisation économique, entre autres, ne sont pas les mêmes. Pourquoi voulons-nous donc copier sur les autres ? Je pense que les actes concrets c’est d’abord de rendre justice à l’Afrique et rendre justice à l’Afrique c’est dire l’Afrique de manière très claire.
Certes, le journalisme est universel, mais les faits sont différents d’un pays à un autre. Par exemple les réalités sociales sénégalaises sont différentes de celles de la France. La structure juridique, l'organisation économique, entre autres, ne sont pas les mêmes. Pourquoi voulons-nous donc copier sur les autres ? Je pense que les actes concrets c’est d’abord de rendre justice à l’Afrique et rendre justice à l’Afrique c’est dire l’Afrique de manière très claire.
Propos recueillis par
les étudiants.
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